Pourquoi voulez vous absolument savoir ? C'est quoi ce désir pervers que vous, les psy, entretenez ? Ca vous amuse d'écouter vos patients ce plaindre d'une vie qu'ils n'ont pas choisis ? En tout cas, je ne dirais rien. La jeune fille lâche cette dernière phrase en croisant ses bras. Mme Spield la regarda sans rien dire. Une chose était sûre, la mère d'Anna allait gaspiller son argent en payant les séances de sa fille. Celle ci n'étant pas décidée à se libérer de cette rage en elle. Les premiers mois, le docteur Spield et sa patiente se regardèrent dans le blanc des yeux pendant une heure chaque semaine. Il ne se passait absolument rien, même pas de bonjour. A 16 ans, Anna ne voyait pas l'utilité de raconter sa vie à une parfaite étrangère. Elle savait que si elle n'était pas payée pour ça, sa psy ne l'aurait jamais écouté. Voyant que ça ne servait à rien, madame Clark décida de mettre fin à se désastre peu après les dix sept ans de son enfant. Pourquoi tu fais ça ? Pourquoi à chaque fois que je commence à aller bien tu casses tout ? C'est quoi ton problème ? La réaction d'Anna fut des plus surprenante pour sa mère. Comment aurait elle pu savoir qu'aller s'assoir sur le canapé de Mme Spield toutes les semaines sans rien dire apportait à sa fille un bienfait ? Tu n'y vas que parce que je t'ai forcé à le faire ! Arrêtes tes enfantillages Anna et grandis un peu tu veux ! Tu me fais perdre énormément d'argent par pur sadisme. Que veux tu à la fin ? Attrapant le premier vase qui lui venait, Anna le jeta au sol de toutes ses forces avant de monter dans sa chambre. Non elle n'allait pas pleurer. Cela faisait des années qu'elle n'avait pas versé une seule larme. Ce soir là elle s'endormit avec ses écouteurs dans les oreilles pendant que sa mère n'étoyait les débris de porcelaine dans le salon. Le lendemain, elle décida que c'était assez. Après la mort de son père Anna pensait que sa relation avec sa mère s'arrangerait pourtant ça avait été tout le contraire. Valise en main, un dernier adieu à cette appartement dans lequel elle avait grandit et elle fermait la porte. Avant de pouvoir enfin dire adieu à ce passé qu'elle voulait oublier, elle devait passer dans le cabinet de madame Spield. Anna entra dans le bureau sans frapper laissant sa valise dans le couloir afin que sa psy ne comprenne pas son intention de partir. Bonjour. Surprise son interlocutrice leva la tête. Anna ? Que viens tu faire ici ... ? La jeune fille s'installa sur une chaise et commença son récit. Je vais parler, vous dire mon histoire. Si vous m'interrompez je quitterais votre bureau avant même de vous dire la fin. Alors voilà. Je m'appelle Anna Daisy Orwell Clark, j'aurais 18 ans dans quelques semaines. Mon père était Orson Orwell, il est mort quand j'avais 15 ans. Fut une époque où la nuit je me réveillais et le trouvais à mes côtés. Les personnes qui parlent de viol ne savent pas ce que c'est réellement tant qu'elles ne l'ont pas vécu. C'est bien plus que des attouchements, ça va au delà du sexe. Je n'ai jamais résister parce que je savais que ça ne servait à rien. Il avait cette volonté dans les yeux. Mon père savait parfaitement ce qu'il me faisait endurer mais qu'est ce que ça changeait ? J'ai pleuré au début, me demandant ce que j'avais fais pour mérité ça même si au fond de moi je le savais parfaitement. Je refusais juste de me l'avouer. Juste avant qu'il ne meurt d'une crise cardiaque je suis tombée enceinte. Oui de mon propre père. Ce lâche est partit avant même de le savoir. Je n'ai rien dis à ma mère, j'ai préféré y mettre fin sans l'aide de personne. Pourquoi avais-je besoin de voir un psy alors ? Quand j'avais 9 ans mon petite frère est mort devant moi. Je pensais qu'il jouait et le temps que je comprenne c'était trop tard. Je ne vous cacherais pas qu'après ça mes parents m'en ont beaucoup voulu. Surtout ma mère qui ne me l'a jamais pardonné. Je suppose que mon père se vengeait le soir puisque c'est peu après l'enterrement qu'il a commencé. Au lycée j'avais un comportement "préoccupant" d'après mon professeur de littérature. C'est lui qui a conseillé à ma mère de vous contacter. Mais ça vous devez déjà le savoir. J'étais colérique, je n'avais pas de bonnes notes, je séchais, fumais et buvais. La seule chose que je n'ai pas faite c'est coucher. Je ne pouvais plus après ce que mon père m'avait fait endurer. Ce traumatisme ne me quittera jamais je le sais. Vous êtes la seule à savoir, je n'ai jamais rien dis à personne, même ma mère l'ignore. Je refuse que les gens se prennent de pitié pour moi. J'ai eu un aperçu de ce que ça pouvait être après la mort de Thomas, c'était mon frère, et je ne voulais pas que ça recommence. Mes liens avec ma mère se sont plus que détériorés en l'espace de 4 ans. Pour tout vous dire je m'en fiche complètement. Je lui en veux moi aussi, de ne pas avoir compris pour mon père. Bref, voila mon histoire. A voir votre tête ça vous choque que je vous dise ça de cette façon. Mais vous êtes la seule à qui je peux en parler tout en sachant que vous êtes tenue au secret professionnel. J'ai fini et je vais partir. Vous ne me reverrez plus puisque ma mère ne paye plus mes séances. Adieu madame Spield, j'ai été heureuse de vous connaitre. Sans lui laisser le temps de répondre Anna quitta le bureau, récupéra sa valise et partit sans se retourner. Elle pris le premier avion à l'aéroport de Montréal en direction de l'Ohio. Après plusieurs heures de vol elle arriva enfin à destination. Les grandes villes ça n'avait jamais été son truc même si elle avait vécu dans l'une d'elles toute sa vie. Alors elle loua une voiture et conduisit jusqu'à Lima où elle décida de s'arrêter. C'était ici, ici que sa vie allait enfin prendre forme ...