Jessica & Adriel

La sonnerie qui marquait la fin des cours retentit. Je sortais de ma classe en bon premier, cela faisait environ 54 minutes que j'attendais de pouvoir partir de ce cours de littérature complètement endormant. Etudier Roméo et Juliette en dernière année, c'est juste pas croyable... A notre âge on sait tous qu'une histoire pareille ça n'existe pas. De nos jours les adolescents se suicident à cause d'histoire d'amour, mais en général ce sont des jeunes sérieusement dérangés... Enfin, c'est mon avis.

Je me dirigeais alors vers la sortie et remarquais la couleur inquiétante du ciel. Il allait probablement pleuvoir d'une minute à l'autre. Soupirant, je sortis. L'air était chaud, probablement un orage qui arrivait... Comme à mon habitude, je restais sur le parking et m'allumais une cigarette. C'était mon premier réflexe après avoir fini les cours. Dis, t'as pas une clope ? Une fille que je n'avais jamais vu auparavant me faisait face. Je la regardais d'un air dédaigneux, je n'étais pas vraiment d'humeur aujourd'hui.

- Non.

Je suivais son regard jusqu'à ma main dans laquelle se trouvait mon paquet de cigarettes. Elle me lança un regard noir puis parti sans insister. Je tirais alors une bouffée tout en souriant. Faire chier les gens était un passe-temps tout à fait passionnant !
Alors que le parking commençait à se vider, je me dirigeais vers ma voiture. Les premières gouttes commençaient à tomber. Au moment d'ouvrir la portière, je vis, en face, une fille qui attira fortement mon attention. Avec ses cheveux sombres, sa peau mâte et sa silhouette fine, elle me rappelait énormément Jessica. Mon premier amour, celle qui avait été là lors de la partie la plus difficile de ma vie, celle qui m'avait le plus manqué ces dernières années, celle que je n'avais jamais réussis à oublier... Et là j'étais sûre de moi. Je n'avais aucun doute quand à l'identité de cette fille.

- Jessica !

J'aurais probablement dû réfléchir avant de l'appeler, mais je ne voulais pas la laisser filer une fois de plus. Tant pis pour les conséquences...

Une journée de cours des plus banales. Comme toutes les autres. Mais elles se faisaient de plus en plus longues. J'en pouvais tout simplement plus de ce lycée, de ces cours. Pourtant je suis une fille populaire. Certains me diront que je ne devrais pas me plaindre vu que je ne vis pas l'enfer au lycée. Enfin ça c'était avant. Ce n'était pas que l'on me maltraitait maintenant, non non. C'était autre chose. Je le sentais bien, quand je passais dans les couloirs, que l'on parlait de moi. Partout où je marchais, j'entendais leurs murmures que je prenais comme une agression. J'y allais peut-être un peu fort. Peut-être que c'était juste moi qui me faisait un tas de films dans ma petite tête. Parce qu'après tout, personne n'était censé être au courant. Ma grossesse un peu prématurée - et surtout due à un autre homme qu'Ethan - me montait légèrement à la tête. Je devrais peut-être en parler à quelqu'un. L'infirmière ou bien carrément une psy. Oui, j'avais des méthodes assez radicales quand il le fallait. La sonnerie annonçant la fin de ma journée retentit enfin. Je lâchais un soupire de soulagement. Ce n'était pas trop tôt. Je rangeais mes affaires et me dirigeais vers la sortie le plus vite possible afin de rentrer chez moi. Mais c'était sans compter sur une élève qui m'interpela. Elle ne voulait rien de particulier, alors pourquoi me déranger? Oui, j'étais de plus en plus irritable et associable. Mais je n'y pouvais rien c'était plus fort que moi. Après avoir parler de la pluie et du beau temps - plus de la pluie d'ailleurs vu le temps qu'il fait - je sortit enfin de l'enceinte du lycée. Je ne me précipitais plus à présent. Je prenais tout mon temps. Il allait bientôt pleuvoir. Et marcher sous la pluie ne me gênait guerre. Au contraire, ça me ferai du bien. Un nouvel appel me sortit de mes pensées. Un garçon dont la voix m'était familière. Mais impossible de mettre un nom dessus. Je levais donc la tête et vis.. Adriel? Je devais surement être en plein rêve. Après tout ce temps, peut-être n'est-ce tout simplement pas lui. Je m'approchais alors de lui. Et plus je m’avançais, plus j'étais persuadée que c'était bien lui. La dernière que je l'avais vus, nous étions encore des bébés. Des bébés d'une douzaines d'années mais des bébés tout de même. J'étais là lorsqu'il vécut ce qui était sûrement - enfin pour moi ça l'aurait été - le plus grand drame de sa vie. Suite à ça, il était partit vivre en Italie et je ne l'ai plus jamais revus. Jusqu'à aujourd'hui.
« Adriel? »
Je posais sur lui mon regard pleins d'interrogations. Je dois avouer que le revoir me faisait une drôle de sensation. Après tout il était, et sera toujours, mon tout premier amour.

Jessica & Adriel

Adriel ? Sa voix reflétait la surprise qu'elle avait dû ressentir quand je l'avais appelé. Après environ quatre ans sans nouvelles, nous avions tout deux changés. Sincèrement, je ne pensais pas la revoir un jour. J'avais, en quelque sorte, tiré un trait sur elle. Je m'étais résigné à l'idée de ne plus la revoir, qu'elle est refait sa vie de son côté, et moi pareil. Mais cette rencontre allait changer quelque chose, je le savais. Je ne pouvais pas ignorer qu'elle était mon premier amour. Et un premier amour dur éternellement, tout le monde le sait... Sauf moi. Je ne crois pas à cet amour éternel. Ma mère était le premier amour de mon père et ça ne l'a pas empêché de la tuer. Alors comme moi...

- Qui aurait cru que j'allais revoir Jessica Stanford ici même, à Lima !

Un sourire éclaira mon visage. Je refermais la portière que j'avais ouverte et m'avançais vers elle. Elle n'avait pas vraiment changé. Enfin, si, quand même. Nous étions tous les deux des bébés quand nous sortions ensemble. Entre temps nous avions grandis, autant physiquement que mentalement. Malgré tout, Jessica était restée la même, avec les mêmes traits du visage, la même démarche et les mêmes expressions. C'est très bizarre de revoir quelqu'un que vous n'avez plus vu depuis très longtemps. Dans votre tête, vous vous êtes fais une idée de cette personne, et quand vous la voyez, cette image peut-être totalement détruite. L'image que je m'étais fait de Jessica correspondait assez à la réalité. Elle faisait parti des personnes qui ne changeaient pas au fil du temps.

- T'as pas changé.

La pluie qui tombait ne me dérangeait pas. Les gouttes étaient chaudes, comme la température ambiante à vrai dire.

Les goutes d'eau commençaient à tomber. Mais cela ne me dérangeait pas. Bien qu'elles étaient un peu trop chaudes à mon goût. Avec cette chaleur, j'aurai préféré qu'elles soient un peu plus fraiche. Enfin soit. J'avais autre chose à faire que de me dire que la pluie était chaude ou, au contraire, froide. J'étais en face d'Adriel tout de même. Mon premier amour. L'homme que j'oublierai surement jamais. C'était même certain. Je ne m'attendais vraiment pas à le revoir ici. Et encore moins à McKinley. Et pourtant, après quatre longues années, il se tenait là, devant moi.
« Et moi alors, tu crois que je m'attendais à te revoir? »
Je souriais. C'est fou ce qu'il m'avait manqué. Il était si gentil avec moi. Je l'aimais beaucoup mon petit amoureux. Et bien que je comprenais tout à fait les raisons de son départ, cela m'avait profondément attristé. Mais le temps est passé. Et maintenant, j'avais refais ma vie. Je n'étais plus cette petite fille qu'il avait connu. Maintenant j'étais une de ces adolescentes qui tombent enceinte sans trop comprendre ce qui leur arrive. Oui j'étais un peu paumée en ce moment. Je ne savais pas trop ce que j'allais faire. Et cela me faisait assez peur. Je ne voulais pas qu'il apprenne tout ça. Je voulais pas que son jugement sur mon soit complétement faussé. Mais là, il l'était. Puisque oui, j'avais changé. Je souriais légèrement me rendant compte que celui-ci avait disparu.
« Toi non plus, tu n'as pas vraiment changé. Excepté que tu as beaucoup grandis! »
Je riais légèrement. C'est vrai qu'il avait grandit tiens! Je me sentais minuscule à côté de lui. Pourtant je n'étais pas si petite que ça.

Jessica & Adriel

Et moi alors, tu crois que je m'attendais à te revoir ? Je souriais tout en haussant les épaules. Elle devait probablement être dans le même état de surprise que moi. Après tout combien de chances y avait-il que nous nous revoyons après tant d'années. Je dois bien avouer que je ne l'avais pas oublié. Impossible d'oublier son premier amour, non ? Surtout quand la séparation ne s'est pas faite normalement. Nous étions encore tous les deux amoureux, mais nous n'avions pas eu le choix. Dis comme ça, on pourrait presque parler d'amants maudis, tel Roméo & Juliette, sauf qu'à l'époque, nos principales préoccupations étaient plutôt de rester une heure ensemble après les cours, d'aller en ville ensemble, etc... Des trucs d'ados quoi !

Toi non plus, tu n'as pas vraiment changé. Excepté que tu as beaucoup grandis ! Elle se mit à rire, et je me joignis à elle. C'est vrai que quand nous sortions ensemble, nous avions la même taille. Parce qu'elle avait grandi plus tôt que moi, et que moi je n'avais pas encore eu ma poussée de croissance. Mais maintenant, je devais avoir une bonne vingtaine de centimètres en plus d'elle, si ce n'est plus.

- C'est vrai qu'à l'époque, aucun d'entre nous n'avait besoin de se baisser pour embrasser l'autre !

Je riais légèrement. J'avais évité d'évoquer mes parents, parce que je n'aimais pas parler d'eux. Ma mère était morte, et mon père, c'était tout comme. En prison depuis mes quatorze ans, je ne sais même pas quand il va en sortir, et sincèrement, je m'en fiche. Même sorti de prison, jamais je ne le reverrais, parce qu'il a foutu ma vie en l'air.

J'étais vraiment ravie d'être en sa compagnie, certes, mais tout de même un peu troublé. Il était le premier garçon que j'avais embrassé. Le premier garçon que j'avais aimé. Certes, nous étions jeunes et parler de véritable amour est un peu exagéré. Mais moi je savais que c'était réelle entre nous. Oui à part se tenir la main et échanger quelques baisers, nous ne faisions rien d'autre. Mais j'étais bien avec lui. Et la "séparation" fit très mal. Bien que je comprenais. Avec ses parents.. Je préférais ne pas lui en parler. Pourquoi faire de toute façon? Je souriais à sa réflexion.
« C'était plutôt pratique pour voler des baisers. Maintenant si l'envie de prend de vouloir recommencer, je te verrai arriver! C'est plutôt dommage pour toi. »
Je souriais de plus belle. L'humour, quelle merveilleuse carapace. Car en réalité, j'étais plutôt gênée par sa réflexion. Que voulez-vous, je suis une petite sentimentale. Il comptait énormément pour moi. Et il comptera toujours autant, quoi qu'il arrive.
« Alors, tu es de retour pour de bon? Vraiment? »
J'espérais sincèrement qu'il me dise oui. Parce qu'être là, avec lui, était vraiment agréable. Ça ne faisait que quelques minutes que nous parlions mais ça illuminé déjà ma journée. Comment ne pas être ravie lorsque vous revoyez quelqu'un que vous n'aviez pas vu depuis une éternité pour vous et à qui vous teniez autant? Je ne voulais plus jamais avoir à le quitter. Non, jamais.

Jessica & Adriel

Je riais suite à sa remarque. Il n'y avait rien d'autre à faire mis à part rire. Parce que, l'un comme l'autre, nous savions qu'il n'y avait aucune raison pour que je l'embrasse. Parce qu'elle avait probablement quelqu'un d'autre dans sa vie, et plus aucuns sentiments pour moi. Ce qui était réciproque. Enfin, je le pensais...
Alors, tu es de retour pour de bon ? Vraiment ? Je souriais. A croire qu'elle semblait vraiment contente de me revoir, comme moi.

- Et oui ! Lima me manquait, va savoir pourquoi ! Peu-être parce que les plus beaux moments de ma vie se sont passés ici...

Comme les pires... Mais je gardais cela pour moi. Parce que je ne voulais pas me souvenir de ça, et elle non plus probablement. Gâcher le moment de cette façon n'aurait servi à rien. A part à jeter un froid inutile.
A vrai dire, je ne savais pas vraiment comment expliquer aux gens pourquoi j'avais tant tenu à retourner à Lima, parce que moi même je ne savais pas. Parce qu'ici régnait tellement de mauvais souvenirs. On se rappelle toujours du petit garçon dont le père a tué la mère. Surtout dans une petite ville comme ça.

Je m'approchais alors d'elle, et la pris dans mes bras. Comme ça. Sans prévenir, c'était un geste purement spontané.

- T'imagines pas comment tu m'as manqué...

Les plus beaux moments de sa vie.. Mais pas seulement. Moi, à sa place, je ne serait jamais revenue. Jamais. Pourtant, ce que j'aime Lima. Je le respectais. Je le respectais vraiment à ce moment précis d'être de retour ici. Pour de bon qui plus est. Je souriais. Oui, j'étais vraiment ravie de le revoir.
« Peut-être parce que je fais partie des plus beaux moments de ta vie?! »
Soudain, allez savoir pourquoi, je me rendis compte que j'avais complétement zappé un truc. Je suis en couple, mais surtout, enceinte. Il fallait que je lui dise. Mais je n'osait pas vraiment. Après tout ce temps, je devais réapprendre à le connaitre. Nous étions de simples gosses et nous voila quasiment des adultes maintenant. Je ne savais pas comment il allait bien pouvoir réagir et ça me perturbait énormément. Mais alors que ça commençait à vraiment être le zbeul dans ma tête, il me prit dans ses bras. Je n'eus même pas le temps de le voir arriver. Mais cela me fit extrêmement plaisir. J'en profitais donc pour bien me blottir contre lui.
« Toi aussi tu m'as énormément manqué! J'espère que tu ne me quitteras plus, quoi qu'il arrive! »