Je me retrouvais au centre commercial, me dirigeant vers les toilettes pour échapper à mon oncle. A vrai dire, je le soupçonnais de m'avoir fais venir ici pour me parler. Mais il n'avait pas encore osé aborder le sujet ''Mariage à Vegas/Noah'' avec moi. Là, je profitais du fait qu'il est croisé une collègue pour m'éclipser aux toilettes.. Je poussais la porte blanche qui se referma toute seule derrière moi. Je restais debout, appuyée contre un mur, observait mon reflet dans le miroir. Le genre de situation qui me faisait me rappeler de tout, en particulier des souvenirs déprimants.. Je fermais les yeux un instant pour oublier...

L'arrivée inattendue de quelqu'un me fit sursauter. La porte claqua, et je vis entrer une personne que je connaissais. Une amie du lycée, Aileen. Nous étions dans le club d'abstinence ensemble. J'étais une des seules personnes qu'elle supportait, parce que j'étais probablement une des seules personnes qui était encore vierge dans ce club, et que ça lui tenait très à coeur. Et peut-être aussi parce que je supportais ses crises sans rien dire. Mais désormais certaines choses avaient changé, notamment le fait qu'au début de l'été, j'étais allée au stade supérieur avec Noah. Je n'avais donc plus rien à faire dans ce club, mais sincèrement, je m'y sentais bien. Et, n'étant plus avec Noah (j'avais l'impression de m'être faite avoir dans cette histoire, mais c'était moi la fautive...) je ne comptais plus recoucher avec un autre mec avant d'être certaine que c'était bien sérieux !

- Hey Aileen ! Ca va ? Tu as passé de bonnes vacances ?

Je lui fis un léger sourire.

C’était une belle journée ensoleillée. Le soleil brillait et les oiseaux chantaient. C’était l’été tout simplement. Je ne savais pas vraiment quoi faire de ma journée pourtant, comme d’habitude j’ai envie de dire. Je n’avais pas des tonnes d’amis à aller voir. On ne se bousculait pas trop pour voir la fille étrange que peu de personne supporte. Et à vrai dire, je n’en avais rien à faire. Je pouvais simplement rester chez moi devant un bon film ou alors empêcher mon cher frère de sortir lui aussi en réclamant sa compagnie. Je renonçais très vite à cette dernière solution pensant qu’il était mieux pour lui de se retrouver sans moi de temps en temps, histoire qu’il souffle un peu. Je tournais donc en rond en me demandant ce que j’aimais le plus faire à part rouler très vite : acheter des trucs chers et inutiles. Et en me rendant au centre commercial, je pouvais faire les deux. Il ne me fallut pas une minute de plus pour me retrouver au volant de ma voiture. Heureusement, le centre commercial n’était pas très loin de chez moi. Tous les trajets que je faisais étaient tous de courtes durées – notamment avec la vitesse à laquelle je roulais – ce qui me permettait de ne pas trop pousser ma voiture à l’extrême. J’aurai du mal à imaginer qu’il puisse lui arriver quoi que ce soit, ce serait un véritable drame. Soit, j’étais enfin – ou plutôt déjà – arrivée à destination. Je m’apprêtais à entrer dans la première boutique lorsque je sentis que l’on me bouscula et une sensation de chaud.
« Tu peux pas faire attention?! »
C’était un garçon qui venait de me bousculer et de me renverser son café dessus par la même occasion. Il s’excusa aussitôt mais je n’y prêtais pas grande attention. Je lui lançais juste un petit "c’est rien, c’est rien!" qu’il pouvait prendre comme il le voulait, à vrai dire, je n’en avais absolument rien à faire. Je fonçais ensuite aux toilettes afin d’essayer de limiter les dégâts un maximum. Je ne m’attendais pas à tomber sur Justine. Pas que ce soit un étonnement total vu que la ville n’est pas immense mais tout de même.
« Ça allait bien jusqu’à ce qu’un imbécile me renverse son café dessus ! Bah écoute mes vacances je les ais passé chez moi pour changer. Et toi alors ? C’était comment Ibiza? »
Entre temps, j’avais attrapé du papier et étais allée vers le robinet afin de me nettoyer un peu comme je le pouvais.

J'observais le t-shirt de Aileen et remarquais qu'il était tâché de café. Les gens étaient vraiment maladroits de nos jours.. Et qui plus est, en général ils n'éprouvaient aucune gêne... Enfin, je n'avais pas peur pour elle, elle n'était pas du genre à se laisser marcher sur les pieds.
Ça allait bien jusqu’à ce qu’un imbécile me renverse son café dessus ! Bah écoute mes vacances je les ais passé chez moi pour changer. Et toi alors ? C’était comment Ibiza ? Je réfléchissais. Que répondre à cette question ? Ibiza en elle même était une île géniale ! On pouvait y faire la fête à n'importe quelle heure, à n'importe quel endroit. Mais les vacances n'avaient pas été géniales, peut-être parce que j'avais passé les premiers jours à déprimer dans ma chambre, sous ma couette.. Une vraie loque humaine - croyez moi qu'à ce moment là je me serais bien moi même giflée, mais je n'avais pas cette conviction à l'époque.
Encore aujourd'hui je lutais avec moi même. A la différence d'il y a quelques semaines, j'avais compris que déprimer ne servait à rien, si ce n'est à lui faire plus plaisir encore. Mais des fois ma détermination me lâchait, notamment le soir..

- Disons qu'entre Noah qui n'a cessé de me pourrir la vie et les couples qui s'affichent, j'ai cru que j'allais devenir folle ! Seul point positif, j'ai pu bronzer !

Je me mis à rire. Après quelques secondes, je m'approchais de Aileen qui observait la tâche sur son t-shirt dans le miroir.

- Tu veux de l'aide ?

J’étais captivée par cette tache de café. Je me disais qu’elle ne s’en irait pas toute seule et espérais qu’elle s’en aille tout court un jour. Mon pauvre t-shirt. « Tu veux de l'aide ? » Je pouvais me débrouiller toute seule, après tout, j’étais une grande fille. Je n’aimais pas trop que l’on me propose cela. Je m’imaginais tout de suite que l’on me prenait en pitié. Enfin où est la pitié dans le fait de vouloir aider à enlever une tache de café, me demanderez-vous. Nulle part. Je me résignais donc, je n’avais aucune raison de refuser. Et puis Justine était la personne la plus gentille que je connaisse et je savais qu’elle n’aurait jamais pitié de moi. « Oui je veux bien ! » Je lui fis un petit sourire à travers le miroir avant de me tourner vers elle. Juste avant, elle m’avait dit : « Disons qu'entre Noah qui n'a cessé de me pourrir la vie et les couples qui s'affichent, j'ai cru que j'allais devenir folle ! Seul point positif, j'ai pu bronzer ! » à propos de ses vacances. Elle n’était donc plus avec Noah. Je n’étais pas le genre de fille qui suivait tous les petites histoires de tout le monde. Les potins n’étaient pas trop mon truc. Je vivais ma petite vie sans me soucier de celle des autres. Egoïste ? Totalement. Mais ce n’était pas pour autant que je n’en avais rien à faire. Au contraire. Mais disons que je n’étais pas toujours très agréable. Surtout si j’apprenais certaines choses sur la vie des gens qui ne me plaisait pas. « Noah.. J’en conclus que vous n’êtes plus ensembles. C’est plutôt une bonne chose. » Je me rendis compte que ce n’étais peut-être pas la meilleure chose à lui dire. J’enchainais donc directement « Qu’est-ce qu’il a fait pour te pourrir la vie celui-là ? » A ce moment là j’aurai pu m’imaginer tout un tas de trucs. Mais il ne fallait pas que je commence à m’aventurer sur ce terrain. J’essayais donc de ne pas trop penser, de mettre mon cerveau en mode off jusqu’à ce que Justine me réponde. Peut-être qu’elle allait me dire ce à quoi j’aurai pensé. Mais peut importe.

Je pris un mouchoir dans mon sac et le mis un peu sous l'eau, avant de le tendre à Aileen pour qu'elle puisse s'occuper de son t-shirt. Elle me fit un petit sourire en prenant le mouchoir que je lui donnais. Noah.. J’en conclus que vous n’êtes plus ensembles. C’est plutôt une bonne chose. Je levais mes yeux vers elle. Une bonne chose ? A ses yeux peut-être, mais pas vraiment aux miens.. C'était assez mal venu de dire ça, mais vu que ça venait d'Aileen, je savais que ça n'était pas bien méchant. Elle disait juste le fond de ses pensées, sans vraiment réfléchir aux conséquences que ça allait avoir. Elle dû s'en rendre compte parce qu'elle enchaîna plutôt rapidement. Qu’est-ce qu’il a fait pour te pourrir la vie celui-là ? Je m'éloignais légèrement du lavabo, pour reprendre mon ancienne place contre le mur blanc. Je n'avais pas vraiment envie de parler de ça, surtout avec Aileen, qui prenait vraiment à coeur toutes ces histoires d'abstinence. Un peu trop même.. Donc je n'allais pas lui dire que Noah et moi on passait notre temps à essayer de rendre jaloux l'autre (ça c'était surtout sa spécialité), à nous disputer, et à nous faire des sales coups (notamment le soir où je m'étais retrouvée en sous-vêtements dans la rue, mais ça, c'était avant Ibiza..). Enfin si, j'aurais pu lui dire ça, mais j'aurais dû taire le fait que je m'étais fais avoir plus d'une fois à l'embrasser de nouveau, et que j'avais agis de façon toooootalement stupide en couchant avec lui alors que nous n'étions plus ensemble. Mais pour lui dire ça il aurait déjà fallut lui dire que j'avais déjà couché avec lui quand nous étions ensemble, et même là elle risquait de ne pas apprécier. Donc je décidais d'éviter la question, c'était préférable.

- Une bonne chose, je n'irais pas jusque là.. C'est la vie c'est tout. Pourquoi est-ce que tu penses que c'est une bonne chose ?

Je l'observais attentivement. Je n'avais pas réfléchis au fait que cette question risquait plus de m'enfoncer encore plus que de me sauver.. Trop tard.

Je nettoyais tant bien que mal la tache ce trouvant sur mon t-shirt avec le mouchoir que Justine m’avait donné. C’est que c’était plutôt bien incrusté. Saleté de café. Pendant ce temps là, Justine s’était reculée et s’était posée contre le mur. « Une bonne chose, je n'irais pas jusque là.. C'est la vie c'est tout. Pourquoi est-ce que tu penses que c'est une bonne chose ? » Je relevais la tête et me tournais après un court instant afin de la regarder. La réponse à cette question me semblait plus qu’évidente. On fait toutes les parties du club de chasteté. Enfin ce club n’était plus ce qu’il était malheureusement. Ils prenaient ça pour une blague on dirait. C’était la nouvelle mode de faire partie de ce club. Vraiment aucun respect. « On a beau avoir toute la volonté du monde Justine, avoir un petit ami ne fait que nous éloigner de nos convictions. Je suis peut-être un peu en décalage avec la réalité. Mais ça je le sais pertinemment. Tous les jeunes vivent dans le péché. Et ils en ont rien à faire ! Nous on a un minimum de principes. Peut-être que tous les membres du club de chasteté ne sont pas croyants, la plupart ce tape complètement de se club, à se demander ce qu’ils foutent là. Mais y’a quelques fidèles. Je sais pas si tu crois en Dieu ou pas, et peu importe. Il y a une raison qui fait que tu sois dans ce club. Et rien ne dois t’en éloigner. » Mon mini discours – si on pouvait appeler ça comme ça – sur les valeurs ne me fis pas réaliser une chose. Elle n’avait pas répondu à ma question. Et je connaissais un minimum Justine pour savoir qu’elle aurait laissé passer ma remarque sans rien ajouter. Je n’étais pas stupide à ce point. Les gens avaient tendance à penser que vu que je n’étais pas normal, dirons-nous, je n’étais pas capable de réfléchir. Et je devais avouer que je leur laissais avoir cette image de moi. Mais détrompez-vous, je pouvais me montrer très perspicace et intelligente lorsque je le voulais. Et là, je me doutais qu’il y avait quelque chose qu’elle voulait me cacher. Mais je préférais attendre sa réaction à chaud plutôt que d’ajouter quoi que ce soit pour le moment.

Aileen se retourna vers moi et me regarda. Je restais silencieuse, attendant sa réaction. Ce qui était sûr, c’est que je ne m’attendais pas vraiment à ce qu’elle me sorte un discours sur les valeurs et l’abstinence, même si ça lui ressemblait tout à fait de faire ça ! Je me sentais mal désormais, très mal. Voilà qu’elle m’avait exposé ses idées, ses explications, quant au fait qu’être célibataire était probablement mieux pour moi. Seul problème : je n’étais plus vraiment celle qu’elle pensait que j’étais. J’avais sauté le pas, et j’étais désormais devenue une fille de plus qui n’attend pas le mariage pour coucher avec son petit ami. Et une personne de plus qui n’avait rien à faire dans le club d’abstinence, mais qui y était quand même. Je savais que Aileen détestait tous ces gens, parce qu’elle était vraiment très croyante – moi je l’étais, mais ma foi n’était pas aussi forte que mes envies – et qu’à ses yeux c’était une façon de se foutre de Dieu. Vivre dans le pêché, comme elle l’avait si bien dit. Sincèrement, c’était plutôt pas mal de vivre dans le pêché… ! Evidemment je n’allais pas lui dire ça, c’était une assez mauvaise idée.

- Ouais.. C’est sûr que vu sous cet angle…

Je ne savais pas quoi ajouter de plus. Pitoyable n’est-ce pas ? Je regardais mes chaussures – des ballerines -, leur trouvant soudainement un intérêt nouveau. Leur forme qui s’adaptait tout à fait à mes pieds, la jolie couleur noire de ces dernières, le cuire neuf.. Je crois que je m’égare un peu là.. Et ça n’était pas en observant mes chaussures que j’allais me sortir de cette situation ! Je regardais à nouveau Aileen. Je voulais changer de sujet. Oui changer de sujet, c’était probablement la meilleure chose à faire maintenant. Je réfléchissais à 100 à l’heure pour trouver un nouveau sujet. Je me rabattais finalement sur l’histoire de la tâche.

- J’espère pour toi que cette tâche va partir, ton t-shirt est très beau !

Nul, presque aussi nul que ma précédente tentative de parler.

Regarder ses pieds. Ne pas savoir quoi répondre à part « Ouais.. C’est sûr que vu sous cet angle… » Et chercher absolument une solution pour changer de sujet. N’importe quoi, mais trouver. « J’espère pour toi que cette tâche va partir, ton t-shirt est très beau ! » Même la plus nulle. J’en étais sûre. Elle me cachait bien quelque chose. Et je me faisais peut-être encore des films, mais j’étais persuadée que ce qu’elle me cachait avait un rapport avec le club de chasteté. Oh mon Dieu. Non, ça ne pouvait pas être ça. Justine ne pouvait pas avoir fait une chose pareille. Pas elle. Je ne méprisais pas les gens qui avaient décidé d’avoir des relations sexuelles avant le mariage. C’était leur choix. Ce que je méprisais c’était ceux qui en avaient alors qu’ils faisaient partis de ce club. Dans ce cas, autant le quitter et vivre sa petite vie tranquillement. Je fixais Justine dans les yeux d’un air neutre. Cet air là me donnait un côté sérieux, grave. Il faisait souvent "peur", si on peut dire ça comme ça. « As-tu eu des rapports avec Noah, Justine ? » lui demandais-je le plus calmement du monde. Enfin, je savais que quoi qu’il arrive, calme ou non, elle aurait un peu de mal à me répondre. Elle savait pertinemment comment j’étais. Ce qui n’était pas très dur étant donné que presque tout le monde savait comment j’étais. Elle semblait déjà plutôt mal à l’aise, ma question n’allait faire qu’empirer les choses. Mais peu importe. Ce n’étais pas dans mes habitudes de garder ma langue dans ma poche, ce n’était pas maintenant que ça allait commencer.