Debout près du buffet, je résistais à l'appel de toutes les mignardises, sandwichs, toasts et autres. J'étais venue ici avec Channel, mais elle m'avait déjà laissé tomber pour essayer de gagner notre pari. Celle qui embrassait le plus de garçons ce soir gagnait. D'ordinaire, je n'aurais pas passé ma soirée à côté du buffet mais j'aurais essayé de gagner. Mais là, j'avais quelque chose de plus important à faire. Me faufilant à travers les gens, j'essayais de repérer Gabriel dans la foule. Il parlait avec une prof de Mckinley. J'avançais alors jusqu'à eux, et attendis qu'il remarque ma présence. Se fut son interlocutrice qui me remarqua en premier, et qui parti donc pour nous laisser seuls - seuls, vite dit en voyant la foule de personnes présentent autour de nous. Je le poussais pour l'entraîner un peu à l'écart des gens. Personne ne devait nous entendre.

- Ait l'air de sourire, d'accord ? Et ne perd pas ce sourire durant tout le long de cette conversation. Ne me coupe pas, j'aimerais en finir au plus vite.

Je riais pour donner à cette conversation un air normal, alors qu'elle ne l'était pas du tout. Prenant mon courage à deux mains, je me décidais à lui avouer la nouvelle.

- Je suis enceinte.

Je n'aimais pas tourner autour du pot. J'avais déjà du mal à y croire moi même. Le dire ne rendait cette chose que plus réelle, et je détestais ça. Jusqu'à présent je n'avais pas été obligée d'en parler avec quelqu'un, me forçant à y penser le moins possible. Mais là, les choses étaient sérieuses. Je m'étais moi même fourrée dans ce pétrin, et il fallait que j'en sorte...

Je le regarde perdre peu à peu son sourire, avant de se ressaisir. Peu convainquant, mais bon, c'est mieux que rien. J'aurais probablement pu choisir un meilleur jour pour lui en parler, mais plus tôt ce sera fait, mieux ce sera. Je n'aurais peut-être même pas dû lui en parler... De toute façon j'ai prévu d'avorter. Une vie avec un bébé, à 17 ans et quelques, non merci. Sa réaction ne me surprend pas, mais elle est vraiment bête. A vrai dire, comment réagir face à une telle annonce ? Sincèrement, à sa place, je me serais probablement mise à rire.

- Sincèrement, tu crois que j'ai envie de rire à propos d'un truc pareil ? J'ai fais trois tests, tous positifs. Alors je crois que oui, je suis sérieuse.

Je paraissais étrangement calme, alors que j'étais enceinte, mais la crise était déjà passée... J'étais obligée d'avoir l'air normale. Personne ne devait se douter que quelque chose n'allait pas. Les larmes et les crises de nerfs, c'est bon pour les gens faibles. Pas pour moi.

- Ecoute. Je ne veux pas de ce bébé, ni toi je pense. Si mes parents l'apprennent, je suis morte. Et si l'école vient à apprendre que c'est toi le père, tu seras viré. Alors, la meilleure chose à faire est d'avorter.

Voilà, c'était dit. Je voulais qu'il soit au courant, malgré tout. Et puis, d'un côté, peut-être que cela allait lui servir de leçon et qu'il allait arrêter de courir après les lycéennes. Allez savoir...

Je l'écoute, attentivement. Cette conversation est bien trop sérieuse à mon goût. J'ai tendance à tout prendre à la légère, et à faire n'importe quoi dans les moments les plus importants ou les plus tristes. Là, la seule chose qui me vient à l'esprit, c'est d'aller mettre de la tékila dans le punch. Je secoue la tête pour me remettre les idées en place. Comment pourrais-je élever un enfant alors que j'en suis moi même encore une ? Quel exemple lui donnerais-je ? Une fille qui couche avec tous les mecs et qui tombe enceinte à 17 ans. Malgré tout, je ne veux pas que mon bébé fasse les mêmes erreurs que moi, et je ne veux surtout pas avoir à l'élever seule. Gabriel dit qu'il m'aiderait, mais combien de temps cette promesse tiendra ? Nous n'avons rien d'un couple. Nous n'avons pas le même âge, pas les mêmes ambitions, et nous ne sommes même pas amoureux. Les filles que je connais et qui sont tombées enceinte très jeunes, n'ont pas pu garder le père du bébé auprès d'elles très longtemps. Et c'était encore différent. Ils s'aimaient. Moi, je ne ressens rien pour Gab', à part mon attirance à son égard et la confiance que je lui témoigne.

- Tu nous imagines, parents ? Il n'y a rien entre nous, pas d'amour, même pas d'amitié. T'es prof, et je suis ton élève. Je veux pas que tu perdes ton travail à cause de moi. Je veux pas gâcher ma vie ni la tienne.

Je le regarde dans les yeux. Je ne sais pas quoi lui dire de plus. J'ai moi même du mal à prendre conscience de la situation. Je baisse les yeux vers ma robe, vers mon ventre. On ne voit rien, pour l'instant. Je n'en suis même pas à deux mois. Mais bientôt, mon ventre sera bien trop difficile à cacher. Et à ce moment là, que ferais-je ? Mes parents ne réagiraient probablement pas très bien. Et si je me retrouvais à la rue ? Chez qui irais-je ?

J'inspire un bon coup et regarde à nouveau Gabriel.

- J'ai déjà pris rendez-vous avec le médecin. Dans trois jours...